dimanche 29 mai 2022

Le bilan du projet par Mr Farella

 


Avancement du projet mai 2022

 

Nous avons lancé en 2020-2021 un projet pour retracer l'histoire et raviver la mémoire de Chana Finkielsztajn, jeune fille déportée à Auschwitz dont le prénom, le nom et l’âge apparaissent sur la plaque à l'entrée de notre collège. Nous avons travaillé avec une classe de 3e et l’ensemble de l’équipe pédagogique. Grâce aux investigations de nos élèves, nous avons pu retrouver la trace du frère de Chana, Maurice Finay, qui a survécu comme enfant caché et qui a pu nous fournir de précieux documents. Nous avons aussi reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et les précieux conseils du Mémorial. Nous travaillons avec le dessinateur Damien Roudeau, l'art-thérapeute Patrick Laurin, la réalisatrice Aurélia Raoull, l'ingénieure du son Pascale Mons, le journaliste Denis Cosnard et le guide conférencier Stéphane Meusnier. Les élèves de Troisième ont été récompensés par le prix du Petit Lafue en mai dernier au moment où Hélène Dumas a reçu le sien pour son travail sur le génocide au Rwanda à hauteur d'enfants. Un partenariat est d’ailleurs envisagé avec elle pour les années futures.

 

Deux autres noms apparaissent sur la plaque commémorative et ont fait l'objet d'une nouvelle année d'étude avec des élèves de 3e entre novembre 2021 et mai 2022. Il s'agit de ceux d'Alice et Marie Ghaloula, âgées de 12 et 15 ans quand elles ont été envoyées dans le camp de la mort d'Auschwitz. Elles sont nées à Sousse en Tunisie et sont arrivées à Paris entre 1931 et 1933, année de naissance de leur petit frère Jacques à Paris dans le 12e arrondissement. 

 

On peut retenir deux moments particulièrement importants pour cette année scolaire : en recherchant le prénom du petit frère d’Alice et Marie dans l’école élémentaire (école de garçons en 1943) qui jouxte notre collège, nous avons découvert l’existence du grand frère Raymond (âgé de 17 ans au moment de la déportation). Pourtant, ce prénom n’apparaissait pas sur la liste du Mémorial de la Shoah ni sur celui de Yad Vashem. Il nous a fallu plusieurs mois de recherche pour comprendre qu’une faute d’orthographe sur le fichier de la Préfecture de Police relayée par le registre du camp de Drancy était à l’origine de cette erreur. Les élèves ont cette année encore été au cœur de cette reconstitution micro-historique : ce sont les élèves délégués de la classe qui ont constaté cette erreur aux Archives du Mémorial de la Shoah avant d’en faire part à toute la classe. Avec les fautes d’orthographe, on retrouve donc sur le site la présence de Raymond et même une photographie. 

 

 

Raymond Ghaloula  

 

 


 Les élèves ont ainsi poursuivi le travail engagé par la pose de la plaque dans le collège en contactant le Mémorial pour faire corriger l’erreur de nom de famille sur le Mur des Noms. La correction a eu lieu sur le site Internet du Mémorial de la Shoah au lendemain du vernissage de l’exposition et une nouvelle gravure sur le Mur est envisagée après 2025. 

 

Reste la question de la domiciliation de la famille : nous avons découvert que la famille Ghaloula était inscrite sur le Mémorial de la Déportation des Juifs de Saint-Ouen. Dans le fichier de la Préfecture de police, il y est fait également mention d’une domiciliation au 74, rue Montmartre à Saint-Ouen ; ce qui ne contredit pas l’adresse du 12, bd Davout mentionnée sur d’autres documents. Est-ce encore une erreur quand le 11, bd Davout apparaît sur le fiche de Mathilde, la mère de famille ? Les recensements de 1936 consultés aux Archives de la Ville de Paris et dans celles de Seine-Saint-Denis ne livrent pas de réponse. Les élèves se sont posé une autre question encore : pourquoi la mère des enfants a-t-elle été déportée dans le convoi suivant celui de son mari et de ses quatre enfants ?

 

L’autre moment qui restera très certainement aussi dans la mémoire des élèves de 3eA, est la rencontre avec Rachel Jedinak. Avec le Comité de l’Ecole de la Rue Tlemcen, elle est à l’origine de la pose de la plaque de notre collège et elle a suivi notre projet depuis son lancement. Elle est venue en parler avec les élèves et livrer les souvenirs très précis qu’elle a encore de son enfance, elle avait 8 ans (le même âge que Jacques Ghaloula) au moment de son arrestation, avec sa sœur et sa mère, lors de la Rafle du Vélodrome d’Hiver en juillet 1942.

 

Plusieurs actions ont pu être menées cette année dans de nombreux domaines différents :

- des recherches sur Sousse au début du XXe siècle et la communauté séfarade, sur le camp de Drancy et sur le contexte de la France pendant la période de la Collaboration. L’association l’enfant et la Shoah nous a prêté une dizaine de panneaux d’expositions sur le thème des enfants juifs à Paris entre 1939 et 1945. Une sortie au Mémorial a été programmée avec un éclairage particulier sur la famille Ghaloula. Un groupe d’élève s’est rendu dans les Archives du Mémorial et un autre dans celles de la Ville de Paris.

- la prise de contact avec différentes institutions internationales (messages rédigés en cours d’Anglais)

- des ateliers artistiques en Arts plastiques avec Damien Roudeau (dessinateur) et Patrick Laurin (art thérapeute) dont les travaux sont visibles sur le blog à partir du site du collège

- un travail de recherches historiques sur la musique dans les camps de la mort et la mise en voix de la chanson Nuit et Brouillard de Jean Ferrat

- l’étude du livre Elle s’appelait Sarah de Tatiana de Rosnay en Français et la rencontre avec l’écrivaine

- l’étude de Dora Bruder (atelier organisé par notre collègue de mathématiques) avec l’invitation de Denis Cosnard, journaliste au Monde et spécialiste de Modiano, le tout faisant l’objet d’enregistrements audio réalisés par les élèves et la professeur documentaliste

- Une promenade commentée dans le quartier en fonction de nos recherches sur les enfants Ghaloula, organisée par notre collègue également guide conférencier. Il restera deux autres noms pour deux autres années de projet entre novembre 2022 et juin 2024. Nous envisageons à l’avenir de travailler plus en avant avec trois classes de CM1-CM2 de l’école qui jouxte notre collège et où apparaît la plaque avec les noms des garçons assassinés à Auschwitz.


Nous sommes tout à fait conscients qu’il sera toujours impossible de retrouver entièrement la vie d’une personne. Les élèves ont déjà beaucoup appris de Chana Finkielsztajn et de la famille Ghaloula, nous sommes convaincus que les recherches futures seront très instructives, aussi fragmentaires soient-elles. Notre travail s’inspire beaucoup des œuvres de Christian Boltanski dont les lieux de mémoire sont chargés d’une « mémoire trouée ». Tous les objets qu’il nous présente ne donnent jamais accès à une mémoire entière. Mais le spectateur de ses œuvres peut pallier le manque d’information en se référant à ses propres souvenirs, à sa propre imagination.





Pour en savoir plus :

  • Le blog des disciplines artistiques pour suivre l’avancement du projet :

compositionslucie20.blogspot.com

  • Le reportage dessiné de Damien Roudeau…

https://drive.google.com/file/d/1REYx73efHLj67vDs6HXUmW14Ncjctrez/view?usp=sharing

 l    Les croquis des élèves :

https://drive.google.com/drive/folders/10bTchrAh3kSbMqpR756fUish6BGYb1n0?usp=sharin

http://www.fondationshoah.org/enseignement/partager-et-se-souvenir-sur-les-traces-dune-jeune-fille-deportee

  • La double page de la revue du XXe arrondissement consacrée au projet :

https://fr.calameo.com/read/0054511717008db3e27db?page=1

  • Le site du collège avec les rencontres et les documents vidéos et sonores :

https://pia.ac-paris.fr/serail/jcms/s1_2004230/fr/college-lucie-faure

  • La remise du prix du Petit Lafue en 2021 :

https://www.youtube.com/watch?v=zzKb3A6R2CE

  • Le message du frère de Chana Finkielsztajn :

    " Bouleversé par l’admirable travail que vous,
    vos partenaires et vos élèves, avez réalisé sur le
    souvenir déchirant de ma sœur Chana et de ma
    famille dont 80 ans après leur assassinat, je n’ai pas
    réussi à faire le deuil.

     Très touché par les vidéos jointes relatant ce
    douloureux passé.

     De tout mon cœur, je tiens à tous
    vous remercier infiniment, pour votre émouvante
    commémoration.

    J’en reste profondément éprouvé.

    Sentiments respectueux"

    Marcel Finay

     

     

     

     

     


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